Pas de reconnaissance sans réparation !

VICTOIRE !

La France condamnée par la CEDH pour les mauvaises conditions de vie des harkis dans les camps d'accueil dans les années 1960 et 1970

Les juridictions administratives françaises avaient déjà estimé que la responsabilité pour faute de l'Etat était engagée et la France a déjà versé 15 000 euros en réparation des préjudices matériel et moral subis.

Le Monde avec AFP - Publié le 04 avril 2024 à 12h01

La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a condamné, jeudi 4 avril, la France pour les conditions de vie « pas compatibles avec le respect de la dignité humaine » des harkis dans les camps d'accueil où ils ont passé des années après leur retour d'Algérie dans les années 1960 et 1970.

Les cinq requérants sont des ressortissants français nés entre 1957 et 1969, enfants de harkis, les auxiliaires d'origine algérienne ayant combattu aux côtés de l'armée française durant la guerre d'Algérie (1954-1962). Quatre d'entre eux sont arrivés en France au moment de l'indépendance de l'Algérie, en 1962, ou sont nés en France dans les années suivantes. Ils ont vécu dans des camps d'accueil pour harkis, principalement celui de Bias, dans le Lot-et-Garonne, jusqu'en 1975.

Ils ont intenté différents recours concernant leurs conditions de vie dans ce camp, pointant en particulier leur enfermement, l'ouverture de leur courrier par l'administration du camp, la réaffectation des prestations sociales dues à leur famille aux dépenses du camp et de leur scolarisation dans une école interne à la structure, en dehors du système éducatif de droit commun.

Plus de 19 500 euros aux quatre requérants

Les juridictions administratives françaises ont déjà estimé que la responsabilité pour faute de l'Etat était engagée et la France leur a déjà versé 15 000 euros en réparation des préjudices matériel et moral subis. Cependant, la CEDH, bien que « consciente de la difficulté de chiffrer les préjudices subis par les requérants », « considère que les montants accordés par les juridictions internes en l'espèce ne constituent pas une réparation adéquate et suffisante pour redresser les violations constatées ».

S'agissant de traitements inhumains et dégradants, « les sommes allouées aux requérants sont modiques par comparaison avec ce que la cour octroie généralement dans les affaires relatives à des conditions de détention indignes ». « Elle en déduit que ces sommes n'ont pas couvert les préjudices liés aux autres violations de la Convention [européenne des droits de l'homme] », estime la Cour européenne.

Celle-ci condamne ainsi la France à verser plus de 19 500 euros aux quatre requérants, issus de la même famille, au prorata de leur temps passé dans le camp de Bias. Le cinquième requérant, dont le père avait été exécuté en 1957 par le Front de libération national algérien, et qui avait rejoint la France en 1980, n'a en revanche pas obtenu gain de cause.


Editorial :

Demain, la CEDH


Pour la première fois dans l'histoire des droits de l'Homme, le drame des harkis sera examiné par la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH). La Cour de Strasbourg rendra au cours de l'année 2024 ses premiers arrêts sur cette page sombre de l'Histoire de la France.

La France, pays des droits de l'Homme, sera-t-elle condamnée pour avoir infligé un traitement inhumain et dégradant, notamment au camp de Bias dans le Lot-et-Garonne, à cette minorité issue de la fin de la Guerre d'Algérie ?

Toujours est-il que les juges européens prennent très au sérieux les premières requêtes déposées par le Comité Harkis et Vérité aux côtés des familles de harkis requérantes. En ce sens, le 7 septembre 2021, la CEDH a mis en demeure la France de s'expliquer sur sa gestion et son administration des familles de harkis sur son sol de 1962 à aujourd'hui. La Cour a aussi souligné dans sa missive qu'elle est susceptible de rendre des arrêts "d'impact" européen.

Face à cette inattendue mise en demeure du 7 septembre 2021, le Gouvernement français s'est alors efforcé de construire très rapidement une stratégie de défense et de mise en échec des instances portées par le Comité Harkis et Vérité devant la CEDH. Le mot d'ordre est simple : la France va dire à la Cour que le dossier harkis vient d'être réglé par l'Etat français, les requêtes portées par le Comité Harkis et Vérité sont dès lors irrecevables.

Le premier acte gouvernemental de cette stratégie de défense et de mise en échec a été la cérémonie du pardon le 20 septembre 2021 à l'Elysée. Le second acte a été ensuite le projet de loi de reconnaissance et de réparation qui est devenu la loi du 23 février 2022 accordant des miettes de réparation aux familles de harkis. Enfin, dans son mémoire en défense déposé début avril 2022 devant la Cour à Strasbourg, le Gouvernement insiste auprès des juges européens sur le fait que des associations de harkis ont été associées et soutiennent la réparation symbolique du Pardon aux harkis et la loi de réparation du 23 février 2022. Instrumentalisés et irresponsables, ces dirigeants associatifs de la communauté harkie participent aux côtés du Gouvernement français à fragiliser les instances des familles de harkis pendantes devant les juges des droits de l'Homme. Comprenne qui pourra !

Mais les arguments de droit présentées devant la CEDH par le Comité Harkis et Vérité sont solides et sérieux. Les juges européens diront prochainement le droit. Afin de permettre à nos lecteurs de bien saisir les enjeux de ces procédures devant la CEDH, notre rédaction consacre une rubrique dédiée à la CEDH.

Bonne lecture !

Pour aller plus loin : Le dossier CEDH

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Agenda :


Dimanche 12 mai 2024 :
Journée nationale de l'abandon, du massacre des harkis et de la relégation des rescapés dans des camps en France


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